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Les obligations générales de l’architecte

L’architecte n’est responsable que dans les limites des missions qui lui sont contractuellement confiées (cf. infra n° 16, sur le fait d’un tiers). Il n’est pas responsable des ouvrages dont il n’assure pas la direction (Cass. 3e civ., 4 févr. 1987 : D. 1987, inf. rap. p. 34).
L’architecte qui n’est pas chargé de la surveillance d’un chantier n’est pas responsable d’un effondrement (Cass. 3e civ., 3 juin 1987 : Mon. TP 14 août 1987, p. 25).
Un architecte chargé d’une mission de conception, à l’exclusion de la négociation et la préparation des marchés, n’est pas responsable d’un défaut de conformité aux normes de sécurité, altérant des panneaux dont la mise au point échappait audit architecte (Cass. 3e civ., 3 juin 1992 : Juris-Data n° 1992-001207).
Un recours en garantie contre l’architecte, dès lors que celui-ci était seulement chargé d’assurer la conformité avec son projet “du seul point de vue esthétique” exclue la responsabilité des désordres et infiltrations(Cass. 3e civ., 17 mars 1993 : Mon. TP 21 mai 1993, p. 37).
Le juge fait une distinction entre une mission de “pilotage”, concernant le suivi et la coordination du chantier, et la mission de “maîtrise d’oeuvre”, concernant “le maintien des cadences, le respect des quantités et des qualités” (CA Paris, 19e ch. B, 15 avr. 1999 : RD imm. 1999, p. 411)
Les obligations de l’architecte ne sont pas écartées du fait qu’il accorde son concours au maître de l’ouvrage à titre gracieux  (Cass. 3e civ., 3 juill. 1996 : Mon. TP 23 août 1996, p. 34 ; JCP G 1997, II, 22757, obs. Ph. le Tourneau ; RD imm. 1996, p. 581 ; Bull. civ. 1996, III, n° 166).
L’architecte chargé de l’établissement du “plan architectural” destiné à la délivrance du permis de construire devait s’enquérir de l’implantation du bâtiment. Sa responsabilité a été engagée à la suite de désordres, et une condamnation in solidum avec l’entrepreneur a été prononcée(Cass. 3e civ., 18 mars 1998 : RD imm. 1998, p. 378 ; Constr.-urb. 1998, comm. 257).
Un architecte chargé du dépôt d’une demande de permis de construire n’est pas responsable des défauts des plans d’exécution des travaux (Cass. 3e civ., 16 févr. 2005 : Mon. TP 15 avr. 2005, p. 104 et 489, à propos de piscines).
Un architecte n’est pas responsable, à l’égard d’une SCI compétente et bien informée, d’un refus de permis de construire motivé par un défaut d’intégration du projet dans le voisinage (Cass. 3e civ., 3 mars 2004 : Juris-Data n° 2004-022594).
L’architecte n’est pas tenu de vérifier la qualité des titres du maître de l’ouvrage ni son droit de construire (Cass. 3e civ., 21 juin 2000 : Juris-Data n° 2000-002670). 
Un architecte chargé exclusivement de la demande du permis de construire, mais non d’établir ni contrôler les plans d’exécution, n’est pas responsable de la mise en oeuvre de plans différents de ceux figurant au dossier du permis délivré (Cass. 3e civ., 11 oct. 2000 : RD imm. 2001, p. 53).
Le fait de faire appel à un bureau d’études ne dispense pas l’architecte de vérifier les travaux effectués surtout s’ils sont importants et demandent un suivi attentif (CA Colmar, 2e ch. civ., 6 janv. 1995 : Juris-Data n° 1995-041299).
Un maître de l’ouvrage ayant conservé l’établissement des devis et marché assume 10 % des responsabilités (Cass. 3e civ., 5 avr. 1995 : RD imm. 1995, p. 551).
Le défaut d’assurance pendant plusieurs mois a été retenu comme cause de résiliation d’un contrat d’architecte (Cass. 3e civ., 31 janv. 1984 : D. 1984, inf. rap. p. 230).
Les chantiers non déclarés ne sont pas assurés (Cass. 3e civ., 4 nov. 2004 : Mon. TP 21 janv. 2005, p. 81 et 360). 

La résiliation du contrat d’architecte

La faculté de résiliation unilatérale sur l’initiative du maître de l’ouvrage peut être prévue par le contrat (Cass. 3e civ., 1er juill. 1975 : D. 1975, inf. rap. p. 214).

Les contrats-types comportent généralement une clause de résiliation du contrat stipulant “dans tous les cas d’inexécution ou d’infraction par l’autre partie aux dispositions du présent contrat ;”. Il y a alors une distinction entre résiliation sur initiative du maître d’ouvrage et sur initiative de l’architecte. Il ne s’agit donc pas d’une faculté de résiliation discrétionnaire. Le même document prévoit une indemnisation éventuelle ; et fixe les règles de procédure et de compétence en cas de litige.

Ce genre de contrat prévoit également une mise en demeure restée sans effet dans un certain délai.
En tout état de cause, les modalités de résiliation de la mission d’un architecte sont fixées en fonction du contrat approuvé par les parties (CA Paris, 1re ch. G, 17 juin 1998 : RD imm. 1998, p. 639).

Le contrat se trouve résilié de plein droit par le décès de l’architecte (C. civ., art. 1795).
La faculté de résiliation de plein droit réservée au maître de l’ouvrage n’exclut pas la possibilité de dommages et intérêts à l’architecte, en cas de préjudice causé par l’abandon du projet (Cass. 3e civ., 9 janv. 2002 : Mon. TP 1er mars 2002, p. 93). Un arrêt fixe cette indemnité en fonction du préjudice subi par l’architecte (CA Paris, 23e ch., sect. 4, 4 oct. 1988, Dauvois c/ Mounier).

Un juge (CA Paris, 23e ch., sect. B, 10 juill. 1987, SARL SOPRI c/ Lopez) alloue une indemnité pour rupture anticipée du contrat de maîtrise d’oeuvre s’élevant à 20 % du montant des honoraires correspondant aux travaux inexécutés, outre des dommages et intérêts pour le préjudice subi par l’architecte.

Le maître de l’ouvrage est tenu de payer les honoraires de l’architecte, s’il met fin à la mission de celui-ci sous le prétexte qu’il n’a pas pu “s’assurer des moyens de financement” (Cass. 3e civ., 9 juill. 1986, SCI l’Ermitage, arrêt n° 851). Le même arrêt précise que l’indemnité de résiliation vient en complément des honoraires partiels dus.

Le juge peut attribuer des dommages et intérêts, sur la base de l’article 1184 du Code civil en cas de résiliation fautive unilatérale du maître de l’ouvrage (CA Paris, 23e ch. A, 6 oct. 1999 : RD imm. 2000, p. 51).

Notez que l’article 1794 du Code civil, prévoyant la résiliation unilatérale des marchés à forfait par le maître de l’ouvrage ne s’applique pas aux architectes.

Notez également qu’un contrat d’architecte a pu être résolu à ses torts, dès lors que les demandes de permis de construire déposées par celui-ci ont été ajournées ou rejetées pour violation des règles d’urbanisme ou d’hygiène (Cass. 3e civ., 2 déc. 1981 : D. 1982, inf. rap. p. 175).

Des honoraires restent dus et le contrat n’est pas résolu si le permis de construire a été refusé sur la base de critères esthétiques, et non d’inobservation de règles d’urbanisme objectives (CA Amiens, 1re et 3e ch. civ., 10 sept. 1990 : Gaz. Pal. 1993, 2, somm. p. 483).

Le défaut d’assurance de l’architecte pendant plusieurs mois est une cause de résiliation du contrat sans indemnité (Cass. 3e civ., 21 janv. 1984 : D. 1984, inf. rap. p. 230).

Le contrat d’architecte est indivisible. Sa résiliation ne peut pas être partielle (Cass. 3e civ., 15 mars 2006 : Mon. TP 16 juin 2006, p. 91 et 492).

L’architecte et l’arbitrage en cas de litige contractuel

Il est courant que des contrats comportent une clause aux termes de laquelle en cas de litige entre le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur, l’architecte arbitrera. Compte tenu des liens qui unissent l’architecte au maître de l’ouvrage, c’est-à-dire à une des deux parties, une telle clause est nulle (Cass. com., 9 mars 1965 : Bull. civ. 1965, III, n° 175).

L’architecte et les transactions immobilières

La loi du 3 janvier 1977 sur la profession d’architecte ne fait pas obstacle à ce qu’un agréé en architecture obtienne une carte professionnelle en vue de réaliser des transactions immobilières (CE, 27 janv. 1995, min. int. : JCP G 1995, IV, 963 ; Rec. CE 1995, p. 53 – CE, 20 oct. 1997, min. int. : RD imm. 1998, p. 91).

Le maître d’oeuvre qui propose par annonces des terrains, et monte un contrat comportant à la fois le prix desdits terrains, celui de la construction et sa propre rémunération, le tout sous condition suspensive d’un prêt qu’il présente est un contrat  de vente d’immeuble à construire (Cass. 3e civ., 11 déc. 1991 : D. 1992, inf. rap. p. 43 ; Mon. TP 3 avr. 1992, p. 48).

Cette qualification a été refusée à un contrat laissant au client de nombreuses initiatives vis-à-vis des entrepreneurs et des tiers (Cass. 3e civ., 25 janv. 1995 : Mon. TP 7 avr. 1995, p. 52).

Le contrat de mandat et l’architecte

L’architecte peut être mandataire apparent d’une société immobilière (Cass. 3e civ., 21 mai 1974 : Bull. civ. 1974, III, n° 219). La théorie du mandat apparent est applicable propos d’une facture adressée au maître de l’ouvrage par une entreprise de terrassement (Cass. 1re civ., 10 déc. 1996 : RD imm. 1997, p. 233-234).

L’architecte qui signe une police d’assurance-maître de l’ouvrage est réputé agir en qualité de mandataire de ce dernier (Cass. 3e civ., 6 janv. 1983 : Bull. civ. 1983, III, n° 8).

Un mandat a été reconnu dans un cas où l’architecte était chargé de passer des marchés au nom du maître de l’ouvrage (Cass. 3e civ., 8 janv. 1975 : Bull. civ. 1975, III, n° 32).

Le mandat peut consister à commander, au nom du maître de l’ouvrage, des travaux supplémentaires (Cass. 3e civ., 8 févr. 1978 : Bull. civ. 1978, III, n° 74).

L’architecte chargé des démarches auprès de l’Administration apparaît comme mandataire (Cass. 3e civ., 3 juin 1968 : Bull. civ. 1968, III, n° 275).